Epidémie de COVID-19 : un impact paradoxal sur l’antibiorésistance

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Selon les dernières données de l’ECDC(Centre européen de contrôle et de prévention des maladies), la consommation globale d’antibiotiques a été réduite de plus de 15% entre 2019 et 2020 dans la majorité des pays européens, l’ECDC précise que la plupart des résistances bactériennes ont été réduites ou se sont stabilisées, Les changements de pratique, mais aussi d’autres facteurs liés à l’épidémie, ont contribué à la diminution globale de la consommation d’antibiotiques. Cette baisse des prescriptions, combinée à la réduction des voyages à l’étranger et aux efforts déployés pour prévenir le risque infectieux pourraient au final réduire à moyen terme les résistances bactériennes. 

Vincent Richeux 
7 avril 2022  

Résumé : 
Selon les dernières données de l’ECDC(Centre européen de contrôle et de prévention des maladies), la consommation globale d’antibiotiques a été réduite de plus de 15% entre 2019 et 2020 dans la majorité des pays européens, l’ECDC précise que la plupart des résistances bactériennes ont été réduites ou se sont stabilisées, Les changements de pratique, mais aussi d’autres facteurs liés à l’épidémie, ont contribué à la diminution globale de la consommation d’antibiotiques. Cette baisse des prescriptions, combinée à la réduction des voyages à l’étranger et aux efforts déployés pour prévenir le risque infectieux pourraient au final réduire à moyen terme les résistances bactériennes. 

Paris, France — En 2020, la majorité des pays européens ont enregistré une baisse significative de la prescription d’antibiotiques, probablement consécutive à l’épidémie de Covid-19, tandis que certaines résistances bactériennes ont augmenté, selon les données de surveillance du Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC)[1,2]. Le Dr Benjamin Davido (hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP, Garches) revient sur ce paradoxe, qui concerne également la France. 

« Le bénéfice de la lutte contre l’antibiorésistance qui semblait se dessiner ces dernières années a été freinée, vraisemblablement à cause de la prescription importante d’antibiotiques pour traiter les patients hospitalisés pour Covid-19 dans les premiers mois de l’épidémie », a commenté l’infectiologue auprès de Medscape édition française

Pour autant, les changements apportés dans la prise en charge de ces patients et certaines répercussions de l’épidémie, comme la diminution des voyages à l’étranger, pourraient inverser la tendance. « Il n’est pas exclu d’observer à nouveau en 2021 une diminution des résistances bactériennes, notamment des entérobactéries productrices de carbapénémase ». 

 Consommation des antibiotiques en baisse de 15% 

Selon les dernières données de l’ECDC, la consommation globale d’antibiotiques a été réduite de plus de 15% entre 2019 et 2020 dans la majorité des pays européens, principalement en soins primaires. Un taux qui serait satisfaisant s’il n’était pas accompagné d’une hausse de certaines souches d’entérobactéries multirésistantes, dont celles résistantes aux carbapénèmes, antibiotiques à large spectre de dernier recours. 

Dans ce rapport qui concerne 21 pays européens, l’ECDC précise que la plupart des résistances bactériennes ont été réduites ou se sont stabilisées, tandis que la part des souches d’Escherischia coli et de Klebsiella pneumoniae résistantes aux carbapénèmes et celle des souches Enterococcus faecium résistantes à la vancomycine ont augmenté de manière significative, en particulier dans le secteur des soins intensifs. Avec des situations très variables selon les pays. 

L’atlas de surveillance des maladies infectieuses de l’ECDC, consultable en ligne , montre un taux de K. pneumoniae résistant aux carbapénèmes passé de 58 à 66% en Grèce, pays d’Europe le plus touché par ces bactéries hautement résistantes 

(BHR). En Roumanie, il est passé de 32% à 48%. En France, les taux restent en dessous de 1%. Un quart des pays européens ont un taux d’entérobactéries résistantes aux carbapénèmes supérieur à 10%, précise l’ECDC. 

En France, le dernier bilan de la mission nationale de Surveillance et prévention de l’antibiorésistance en établissement de santé (Spares) révèle une proportion des Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline (SARM) à 14% en 2020, qui continue à être en baisse par rapport aux années précédentes, grâce à l’utilisation des solutions hydroalcooliques. 

Le taux d’entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) est de 8,3%, avec une incidence qui repart à la hausse, en particulier en soins intensifs, « malgré les précautions complémentaires appliquées pendant la période de Covid-19 », souligne le Dr Davido. 

Changements de pratique 

Cette progression de certaines bactéries résistantes est probablement liée à un recours excessif aux antibiotiques en début d’épidémie, a rappelé l’infectiologue. A l’hôpital, les patients admis pour un Covid-19 lors de la première vague ont reçu presque systématiquement une antibiothérapie probabiliste à large spectre, dont les céphalospronines de troisième génération (C3G) associés ou non à des macrolides (azithromycine et spiramycine). 

Cette prescription s’explique par la crainte de complications par surinfections bactériennes, finalement rares chez ces patients, mais aussi par la symptomatologie des cas graves de Covid-19. « On voyait des malades arriver avec les symptômes d’une pneumopathie aiguë communautaire. Or, pour tous les cas graves, il était recommandé avant l’épidémie de mettre sous antibiothérapie associant C3G et macrolide », rappelle le Dr Davido. 

Plusieurs études ont rapporté une hausse de la prescription d’antibiotiques dans de nombreux pays pendant les premiers mois de l’épidémie. D’après un sondage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 35 pays sur 56 ont enregistré une telle hausse. Dans la plupart des cas, ce sont des antibiotiques à large spectre qui ont été prescrits aux patients Covid-19 hospitalisés [3]. 

L’évolution de la prise en charge de ces patients, notamment en réanimation, a mis fin à cette prescription quasi systématique, en particulier avec la publication en mai 2020 des nouvelles recommandations du Haut conseil de la santé publique (HCSP), qui conditionnent la mise sous antibiotiques des patients Covid-19 à la présence avérée d’un foyer infectieux bactérien. 

Utilisation élargie des TROD 

Les changements de pratique, mais aussi d’autres facteurs liés à l’épidémie, comme la baisse des consultations en ville, ont contribué à la diminution globale de la consommation d’antibiotiques. Cette baisse des prescriptions, combinée à la réduction des voyages à l’étranger et aux efforts déployés pour prévenir le risque infectieux pourraient au final réduire à moyen terme les résistances bactériennes, estime le Dr Davido. Il faudra attendre les données de 2021 de l’ECDC pour le confirmer. 

L’élargissement de l’utilisation des tests diagnostics au cours de l’épidémie a également contribué a améliorer les prescriptions à l’image de la mise à disposition en pharmacie, fin 2020, des tests rapides d’orientation diagnostiques (TROD) permettant de vérifier en quelques minutes l’origine virale ou bactérienne d’une 

angine. Une mesure prise dans le cadre du premier plan de lutte contre l’antibiorésistance, 

L’évolution des résistances montre qu’il s’agit d’ « un processus très dynamique », qui ne dépend pas uniquement de la consommation d’antibiotiques, poursuit l’infectiologue. « Il faut du temps pour obtenir les fruits des actions de santé publique », mais aussi pour changer les habitudes de prescription. 

« On peut espérer que les progrès obtenus dans la surveillance des agents infectieux pendant cette épidémie, notamment par le renforcement du dépistage, vont ouvrir une nouvelle ère. L’utilisation de nouveaux outils de diagnostic devrait également aider à mieux surveiller et éviter l’apparition de nouvelles épidémies ». 

Références :
1. Antimicrobial consumption in the EU/EEA (ESAC-Net) – Annual Epidemiological Report for 2020, European Centre for Disease Prevention and Control, nov 2021. 
2. Surveillance of antimicrobial resistance in Europe, 2020 data, European Centre for Disease Prevention and Control, nov 2021. 
3. Tomczzyk S, Taylor A, Brown A, Impact of the COVID-19 pandemic on the surveillance, prevention and control of antimicrobial resistance: a global survey, Journal of Antimicrobial Chemotherapy, Nov 2021, Vol 76, Issue 11, Pages 3045–3058. 

Citer cet article : Epidémie de COVID-19 : un impact paradoxal sur l’antibiorésistance – Medscape – 7 avr 2022

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