Troubles de l’érection, fertilité masculine et COVID-19

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Depuis les premiers mois de la pandémie de COVID-19, certaines équipes médicales ont évoqué un risque aggravé de troubles de l'érection chez les hommes infectés par SARS-CoV-2.

Depuis les premiers mois de la pandémie de COVID-19, certaines équipes médicales ont évoqué un risque aggravé de troubles de l’érection chez les hommes infectés par SARS-CoV-2. Ce qui n’était au départ que des observations isolées portant sur de petits effectifs a depuis été confirmé par des études observationnelles, dont certaines sur un grand nombre de patients. Ce risque résiste à un ajustement sur les facteurs de risque de dysfonction érectile connus (qui favorisent également les formes graves de COVID-19).

Les causes semblent multiples : atteinte virale des testicules et d’autres organes de l’appareil génital masculin, dysfonction des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins impliqués dans l’érection, hypogonadisme infraclinique, mais aussi dégradation de l’état général et troubles anxieux. Outre ces troubles de l’érection, la COVID-19 semble également impacter négativement la fertilité masculine, de manière transitoire, mais significative.

Pour toutes ces raisons, certains experts préconisent d’inclure les dysfonctions érectiles dans la liste des symptômes qui caractérisent le COVID long, pour une prise en charge plus complète de ce syndrome.

Par Stéphane Korsia-Meffre – date de publication : 31 mars 2022

Très tôt au cours de la pandémie de COVID-19, des équipes médicales américaines, égyptiennes ou turques ont signalé une augmentation significative des consultations pour troubles de l’érection d’apparition soudaine chez des malades infectés par le SARS-CoV-2, y compris en l’absence de symptômes. Mais il a fallu attendre des études observationnelles portant sur un grand nombre de patients pour que cette hausse soit confirmée chez les patients souffrants ou ayant souffert de COVID-19.

Un risque augmenté de dysfonction érectile pendant et après un épisode de COVID-19
Parmi ces études observationnelles, on peut citer :

  • une étude observationnelle sur un registre des National Institutes of Health (NIH), ayant comparé 146 hommes atteints de COVID-19 à 3 098 sujets indemnes, qui a montré un risque de dysfonction érectile multiplié par 3,3 (IC95% 2,8-3,8, p<0,0001) sans ajustement. Cette base de données ne permettant les ajustements que sur un seul paramètre, les auteurs ont calculé un risque multiplié par 4,8 après ajustement sur l’âge, par 3,5 après ajustement sur la consommation de tabac, par 2,3 après ajustement sur le diabète, par 1,8 après ajustement sur le surpoids/obésité et par 1,6 après ajustement sur les maladies cardiovasculaires ;
  • une étude observationnelle italienne de petite taille (25 patients COVID-19 comparés à 75 témoins) qui a mis en évidence un risque de dysfonction érectile multiplié par 5,7 (IC95% 1,5-24) après ajustement sur l’âge, l’index de masse corporelle et le statut psychologique (pour une prévalence de 28 % contre 9,3 % dans le groupe contrôle, p=0,027) ;
  • plus convaincante, une étude observationnelle à partir de la base de données TriNetX Research Network aux États-Unis, ayant comparé 230 517 hommes atteints de COVID-19 à 232 645 hommes indemnes, qui a montré un risque de trouble de l’érection multiplié par 1,2 (IC95% 1,00-1,25, p = 0,04) y compris après ajustement sur l’âge, le diabète ou l’hypertension artérielle.

La COVID-19 semble donc associée à un risque significativement augmenté de dysfonction érectile.

Le tropisme du SARS-CoV-2 pour l’appareil génital masculin
Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que SARS-CoV-2 possède un tropisme important pour certains organes de l’appareil génital masculin, riches en récepteurs ACE2 et TMPRSS2, qui sont les portes d’entrée de ce virus dans les cellules cibles.

En juillet 2021, une petite étude sur quatre hommes opérés pour pose de prothèse érectile (65-71 ans, deux ayant souffert de COVID-19, deux indemnes), et qui ont eu une biopsie des corps caverneux, a montré, chez ceux ayant eu une COVID-19, la présence de particules virales extracellulaires (portant la protéine Spike) ainsi que d’ARN viral dans leurs corps caverneux.

Plus récemment, un travail portant sur des macaques expérimentalement infectés a étudié la localisation de SARS-CoV-2 dans le corps pendant les deux semaines suivant l’inoculation. Le virus était visualisé par une succession de PET scans après injection d’anticorps anti-Spike marqués radioactivement. À la grande surprise des chercheurs, qui étaient initialement intéressés par les poumons, un signal très robuste (plus fort que dans l’appareil respiratoire) a été enregistré dans l’appareil génital mâle, en particulier dans les testicules, le pénis, la prostate, les cordons spermatiques et les plexus veineux pampiniformes (des anastomoses veineuses qui drainent les testicules). À l’autopsie, une dégénérescence des tubes séminifères a été observée chez l’un de ces macaques et il existait des micro-thromboses dans les plexus pampiniformes. À noter qu’un tel tropisme avait déjà été constaté en 2003 avec SARS-CoV et des cas d’orchites avaient alors été signalés.

Pour rappel, aucune étude de bonne qualité méthodologique n’a trouvé de SARS-CoV-2 dans le sperme d’hommes infectés (voir par exemple Pan F et al, 2020 ou Gacci M et al, 2021).

Risque augmenté de dysfonction érectile associé à la COVID-19 : l’hypothèse testiculaire
Diverses équipes ont essayé de comprendre les mécanismes qui pourraient expliquer cette association entre COVID-19 et troubles de l’érection.
La première hypothèse est celle d’un effet direct de l’infection virale sur les testicules, à l’origine d’un hypogonadisme infraclinique, responsable d’une baisse des taux sanguins de testostérone. De fait, plusieurs études ont montré une baisse transitoire des taux de testostérone (et une augmentation des taux de LH) lors de COVID-19, touchant jusqu’à 85 % des patients masculins dans une étude. Cet hypogonadisme transitoire est fréquemment constaté lors d’épisodes fébriles infectieuxen particulier lors de l’administration de corticoïdes.
L’action directe de SARS-CoV-2 sur les cellules de la prostate est également suspectée en raison de l’augmentation sensible du taux de PSA sanguin chez les hommes.

Risque augmenté de dysfonction érectile associé à la COVID-19 : l’hypothèse endothéliale
La deuxième hypothèse évoquée dans l’apparition de troubles érectiles pendant et après un épisode de COVID-19 est celle d’une atteinte des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins. Le tropisme de SARS-CoV-2 pour ces cellules a été largement documenté dans de nombreuses publications, ainsi que les conséquences de cette infection sur leur fonctionnement dans de nombreux organes.

Dans l’étude ayant porté sur des hommes opérés pour pose de prothèse érectile, les biopsies de corps caverneux ont révélé que, chez ceux ayant des antécédents de COVID-19, les cellules endothéliales locales montraient des taux d’Oxyde  Nitrique Synthase endothéliale (eNOS) fortement diminués. Cette enzyme est indispensable à la production de monoxyde d’azote et au rôle des cellules endothéliales dans la vasodilatation locale. De plus, ces hommes avaient des taux sanguins de précurseurs des cellules endothéliales circulants plus faibles que ceux des sujets témoins.

Il est à noter que certains facteurs de risque de formes sévères de COVID-19 (diabète, hypertension artérielle, obésité) sont également des facteurs de risque de dysfonction érectile via leurs effets négatifs sur le fonctionnement des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins. Certains auteurs sont allés jusqu’à proposer que la présence d’une dysfonction érectile lors de COVID-19 alerte sur la possibilité d’un risque individuel augmenté de complications graves dues à cette infection.

Ainsi, il est probable que les troubles érectiles associés à la COVID-19 soient l’une des nombreuses manifestations de l’infection de l’ensemble des cellules endothéliales par SARS-CoV-2. Ce dysfonctionnement endothélial lié à l’infection virale a également été proposé comme facteur d’aggravation de la COVID-19, en particulier en lien avec le rôle de ces cellules dans la vasodilatation, y compris au niveau pulmonaire. Après un essai pilote randomisé intéressant a exploré l’effet du sildénafil (un inhibiteur de la phosphodiestérase 5) dans l’amélioration de l’oxygénation des patients COVID-19 atteints d’insuffisance respiratoire, essai récemment terminé dont on attend les résultats.


Risque augmenté de dysfonction érectile associé à la COVID-19 : les facteurs psychologiques
Le rôle des facteurs psychologiques dans l’apparition de troubles érectiles est bien documenté. Il est donc tout à fait possible que, dans un contexte pandémique marqué par une augmentation générale de l’anxiété et par des confinements parfois difficiles à supporter, ces facteurs puissent contribuer au risque augmenté de dysfonction érectile. Mais les différences entre personnes infectées et personnes indemnes montrent que ces facteurs ne participent que partiellement à l’augmentation du risque.
La fatigue liée à l’infection par SARS-CoV-2 peut également contribuer aux troubles de l’érection survenant lors de la COVID-19.

Les données sur un éventuel impact de la COVID-19 sur la fertilité masculine
Les études faites sur les effets de la COVID-19 sur l’appareil génital masculin ont également évalué l’impact de cette infection sur la fertilité masculine. En effet, il a déjà été décrit, dans d’autres infections virales comme les infections à l’herpès simplex, le VIH/sida ou les hépatites B et C, la présence temporaire d’oligo- ou d’azoospermie pendant trois à six mois après l’épisode aigu fébrile.

La COVID-19 ne fait pas exception et certaines études rapportent des troubles de la spermatogenèse qui semblent corrélés à la sévérité des symptômes, pouvant toucher jusqu’à 25 % des patients COVID-19. Dans une étude menée sur plus de 2 000 couples hétérosexuels, l’infection du partenaire masculin était associée à une réduction transitoire de la fertilité : diminution de 18 % pour une infection datant de moins de 60 jours, avec un retour à la normale après 60 jours.

Par ailleurs, dans une étude post-mortem où les testicules ont été examinés, les auteurs signalent une dégénérescence partielle ou complète des cellules germinales dans les tubes séminifères de certains patients, similaire à celle qui a été observée chez les macaques infectés expérimentalement.

Vers la prise en compte de la dysfonction érectile dans la définition du COVID long ?
Devant la plus grande prévalence de troubles de l’érection chez les hommes souffrant ou ayant souffert de COVID-19, y compris à distance de la résolution de l’infection, certains auteurs proposent d’ajouter l’apparition de ces troubles à la liste des symptômes définissant le COVID long (cette dysfonction ne fait, par exemple, pas partie de la liste actuelle établie par la Haute Autorité de santé).

Pour eux, les troubles de l’érection survenant dans les mois suivant l’infection pourraient être une conséquence des dommages occasionnés aux cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, à un hypogonadisme persistant, et aussi aux troubles du sommeil, à la fatigue chronique, à l’état dépressif, voire au syndrome de stress post-traumatique, qui font partie de la définition du COVID long. Ils proposent le terme de « COVID long sexuel », un symptôme qui devrait être, le cas échéant, inclus dans la prise en charge des malades souffrant de séquelles durables de leur infection.

En conclusion, il semble désormais établi que la COVID-19 accroît le risque de troubles de l’érection temporaires, parfois durables, en lien avec des atteintes testiculaire et endothéliale. Ces atteintes peuvent être aggravées par un hypogonadisme infraclinique et les conséquences de l’infection sur l’état psychique ou l’état général (fatigue). De plus, le risque de dysfonction érectile semble être majoré chez les hommes ayant certains des facteurs de risque de forme grave de COVID-19 (diabète, obésité, hypertension artérielle).

Chez certains patients, des troubles de la fertilité peuvent être la conséquence d’un épisode de COVID-19, à l’instar de ce qui est constaté après d’autres infections virales. Ces troubles, lorsqu’ils surviennent, semblent disparaître en moins de six mois après l’infection.

Source : https://www.vidal.fr/actualites/28906-troubles-de-l-erection-fertilite-masculine-et-covid-19.html

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